Ces deux annonces quasi-simultanées sont tout d'abord une énième démonstration que les protections sont plus vite craquées ou contournées qu'elles ne sont crées et mises en application. Ensuite, il est de plus en plus évident que l'AACS, inattaquable sur le papier, l'est beaucoup moins dans la réalité, avec son lot d'implémentations défectueuses, de hackers talentueux, et d'idées géniales.

Les DRM et autres protections anti-copie sont inefficaces par nature, cela fait longtemps que les experts le savent et le clament. La vraie question, au fond, c'est de savoir pourquoi les Majors s'entêtent[1] ? Est-ce un aveuglement dû à l'absence de culture scientifique et technique des dirigeants dans ce domaine ? Où bien sont-ils conscients de ces limitations, mais se contentent de dispositifs partiellement efficace, car ça cela suffit ?

Car s'il est vrai que les DRM et autres protections anti-copie ne font pas peur aux connaisseurs et aux passionnés, elles sont efficaces, voire trop efficaces avec le grand public[2]. Il serait compréhensible que les dirigeants des Majors se contentent d'une situation ou seul une minorité de technophiles avertis peut outrepasser les maigres droits qu'ils accordent à leurs clients. Ce ne serait pas très démocratique, séparant ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, mais ça satisferait beaucoup de monde.

Cette hypothèse est récurrente dans les commentaires sur le net, et elle se tient. Mais je n'y crois guère, en fait. Le manque à gagner des Majors ne vient guère du M. Toutlemonde qui copie en 10 exemplaires un de ses disques pour lui, sa famille et ses amis. Car ce phénomène existe depuis longtemps, très longtemps, et a peu changé d'ampleur malgré les innovations techniques de ces dix dernières années. Les échanges sur le net (P2P et autres) et la vraie contrefaçon sont sans doute bien plus responsables des problèmes des Majors. Et ces deux phénomènes, aucun DRM ni protection anti-copie ne les arrêteront : il sufffit en effet d'une seule copie déplombée pour une diffusion planètaire.

Bref, quelle que soit la stratégie réelle des Majors, il y a bel et bien un aveuglement qui démontre leur statut de dinosaures en voie de disparition. Le grand public va finir par s'énerver de racheter 20 fois la même oeuvre et avoir de plus en plus de mal à en profiter. Les technophiles continueront à s'échanger des Go de données sans compter. La culture continuera à exister. Les gens continueront à dépenser des sous dedans, d'une façon ou d'une autre. Mais dans un monde nouveau et étrange, sans Majors, sans rareté artificielle, et peut-être avec plus de talents.

Notes

[1] Notons quand même les récents changements de stratégies de EMI et Apple, qui annoncent peut-être le début du déclin des DRM dans le coeur des Majors.

[2] Les DRM et autres protections anti-copie étant incompatibles avec les concepts de sauvegarde et de redondance, pourtant cruciaux pour conserver des données informatiques, les problèmes ne peuvent que survenir...