Les sénateurs s'expriment

Le premier à s'exprimer, dès le 14 avril, fut M. Thiollière, qui a le rôle important de rapporteur du projet au Sénat. Avec une première série de 40 amendements, il met à mal plusieurs petites victoires obtenues pendant les débats l'Assemblée Nationale : dépôt numérique, autonomie des artistes vis à vis de la SACEM, droit à la copie privée, neutralité du P2P... Mais le plus inquiétant reste sa vision de l'interopérabilité, qui apparaît désormais optionnelle voire payante. Un beau retour en arrière...

Mais ces amendements apparaissent presque modérés depuis que M. Charasse s'est exprimé. Préférant les gros sabots aux chaussons de danse, il dénonce ainsi ce qu'il appelle les intégristes du logiciel libre, utilisant sans hésiter une sémantique pour le moins déplacée, sinon outrageusement mensongère. Il propose, dans la même logique, ni plus ni moins, avec son amendement 73, que la suppression de toute mention en faveur de interopérabilité, jugeant tout ceci comme des dispositions absurdes et absconses.

Pour lui, le marché, avec le jeu de l'offre et de la demande, et la libre concurrence sont un mécanisme parfait pour mettre en place l'interopérabilité. Nonobstant les innombrables contre-exemples de cette thèse (luttes stériles VHS/BetacamBetamax, HD-DVD/BluRay Disc, quasi monopole des formats fermés et archaïques de MS Office), il s'exprime avec une ferveur quasi-religieuse pour la non-intervention de l'état dans ce domaine. Il n'est certes pas le seul, mais il est toujours aussi horripilant de voir le nombre et le pouvoir des individus croyant en un marché tout-puissant capable de résoudre tous le problèmes. Le marché est un mécanisme clé et indispensable de notre société, loin de moi l'idée de vouloir sa perte. Mais le marché n'est pas Jésus, il ne fait pas de miracles. Hélas, avec bon nombre d'économistes actuels, on est ici plus proche de Torquemada que de Descartes.

Les industriels défendent l'Open Source

Preuve que malgré les idées de M. Charasse, les défenseurs de l'Open Source ne sont pas des intégristes (sous-entendre des barbus pirates...), le consortium ObjectWeb a écrit une longue lettre ouverte expliquant l'importance de l'intéropérabilité et de l'Open Source. Et qui trouve-t-on derrière Object Web ? Bull, France Télécom, Thales, Dassault Aviation. On est loin d'intégristes ou de révolutionnaires voulant mettre à bas la société. Sans compter la présence d'honorables et sérieux organismes de recherches tels que l'INRIA, le CEA et le CNRS.

Par cette lettre, tout une domaine très dynamique de l'industrie française pousse un cri de détresse : DADVSI risque de les tuer. C'est la preuve flagrante qu'internet et le numérique en tant que technologies ouvertes (interopérabilité, P2P, standards ouverts, open source) sont désormais indispensable à tout un pan de l'économie et que la loi doit préserver cette ouverture et non pas la combattre pour satisfaire une minorité, comprenant en particulier les Majors de l'industrie culturelle.

On constate également une forte lucidité du consortium sur les risques d'abus de la loi par les éditeurs de biens culturels, toujours prêts à user à fond de leurs pouvoirs, au détriment de l'utilisateur, comme le prouve ce passage :

Il y a risque manifeste que certains éditeurs instrumentalisent le projet de loi pour imbriquer des codes malicieux, potentiellement attentatoires à la vie privée de l'utilisateur mais aussi à son droit de disposer de ses biens comme il l'entend, avec des mesures de protection, rendant ainsi illégal de tenter de de désactiver ces codes malicieux.

Un débat qui ne manque pas de surprises

Si les défenseurs d'un monde fermé, étouffé par une propriété intellectuelle sacro-sainte et envahissante sont légion, on note cependant un étonnant changement de camp. RDDV a ainsi déclaré à l'International Herald Tribune (propos relaté dans cet article) : a technology - even one of great quality, success and usefulness - should not control access to a work. Traduction : Une technologie, même de qualité remarquable, plébiscitée et utile, ne devrait pas contrôler l'accès à une oeuvre. Voici un retournement bien surprenant au vu des actes passés de ce cher Sinistre de l'Inculture. Aurait-il pris conscience de son aveuglement ? Où bien essaie-t-il plus prosaïquement de gommer son impopularité en misant tous sur le seul domaine où il a été encensé, la lutte contre les quasi-monopoles engendrés par l'incompatibilité des DRM ? Toujours est-il que quelque soit ses raisons, ce retournement de veste est pour le moment un point positif.

Les anti-DRM s'organisent

Les débats de décembre et mars on démontré que l'usage d'internet, s'il permettait des débats très constructifs et une vraie influence sur les députés, était loin de permettre une visibilité du mouvement dans le monde réel et sur le grand public. A travers le collectif stopDRM, flashmobs, pique-niques et manifestations sont en train de devenir de plus en plus importantes. Notez en particulier le rendez-vous du Dimanche 7 mai à Paris : 14h Place de la Bastille pour la première grande manifestation contre les DRM et pour les technologies ouvertes.