Mais c'est quoi au final une MTP ?

La loi DADVSI est donc bien passé, et les MTP (nom français des DRM) sont désormais dans la loi. Mais comment les définit-elle réellement ? Voyons donc le texte de plus près :

« Art. L. 331-5. - Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.

« On entend par mesure technique au sens du premier alinéa toute technologie, dispositif, composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, accomplit la fonction prévue par cet alinéa. Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection.

« Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.

« Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité dans les conditions définies aux articles L. 331-6 et L. 331-7.

« Les dispositions du présent chapitre ne remettent pas en cause la protection juridique résultant des articles 79-1 à 79-6 et de l'article 95 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

« Les mesures techniques ne peuvent s'opposer au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans les limites des droits prévus par le présent code, ainsi que de ceux accordés par les détenteurs de droits.

Bien sur c'est un joyeux mélange de charabia juridique et de charabia technique réinterprété par des juristes. Totalement incompréhensible à première vue. Mais essayons d'analyser tout ça :

« Art. L. 331-5. - Les mesures techniques efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme sont protégées dans les conditions prévues au présent titre.

Voila déjà une formulation qui a fait tiquer de nombreux informaticiens. Nombre de ces dispositifs ont été jugés très facile à contourner, donc inefficaces, du cryptage css des dvd aux dispositif anti-copie des CD. Et de nombreux experts affirment également que tout MTP est inefficace par nature[1]. Selon les interprétations, la loi peut donc protéger toutes les MTP comme aucune...

Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu'une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l'application d'un code d'accès, d'un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l'objet de la protection ou d'un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection. Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article.

C'est déjà bien plus précis ici. Tout MTP ne peut être basé sur le couple algorithme de cryptage + clé de cryptage. En aucun cas un MTP ne peut être basé sur les procédés de type boite noire ou c'est le secret de l'algorithme et non de la clé qui constitue la sécurité. Sont donc exclus de la protection juridique à mon sens tout dispositif anti-copie de CD, puisqu'il existe toujours une version non crypté de l'oeuvre sur le CD, pour la compatibilité. En revanche, decss est bien illégal, puisque malgré la faiblesse de l'algorithme de cryptage css, il est bel et bien associé à une clé. Il faut, soit utiliser une clé volée, soit craquer par force brute la protection, pour contourner css. La connaissance de l'algorithme seul ne suffit pas à contourner css.

La loi est donc finalement assez contraignante dans sa définition des MTP. À l'heure actuelle, seuls les fichiers téléchargés sur itunes et ses concurrents, ainsi que les systèmes de cryptage du DVD et de ses successeurs semblent visés. Les protections anticopie des CD, les systèmes de type Macrovision, le cryptage de Canal Plus ne semble pas concernés si j'interprète bien la loi. Je suis quand même curieux de voir de qu'il adviendra de ceci dans le futur. Car il ne faut pas oublier les faiblesses intrinsèques des MTP. Aussi perfectionné qu'il puisse être, un algorithme de cryptage ne sert à rien si le destinataire et le pirate potentiel sont la même personne.

Bon, qui risque quoi ?

Sur ce point, le billet de Maître Eolas explique très bien les paradoxes de DADVSI. Les MTP sont certes sacralisés, et leur contournement interdit, mais il existe une faille dans la loi. Ce n'est certes pas par incompétence, mais bien parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement que les législateurs ont laissé cette faille : l'utilisation d'un logiciel pour faire sauter des MTP est belle et bien légal. C'est sa création et sa diffusion qui sont illégales. Bref, vous avez le droit d'utiliser VLC, mais pas de le coder et encore moins de le mettre à disposition en téléchargement. Ce qui est bien sur complètement stupide vu la nature internationale du net. Il suffira de se procurer VLC sur un miroir étranger...

MAJ (un peu tardive - 14 août) : en fait non, même si ce n'est pas prévu par la loi, il est prévu que l'utilisation d'un tel logiciel soit reprimé via un décret. C'était trop beau...

Notes

[1] en particulier Cory Doctorow