Un début difficile

Le début de la séance est marqué par une énième confusion : les socialistes attendent une réunion de la commission des lois tandis que le président expose que ces derniers n'ont rien compris. La confusion entraîne très vite une suspension de séance. Après celle-ci, le retrait en catimini de l'amendement 225 par le gouvernement provoque encore une discussion houleuse. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce retrait quais-secret serait normal...

Le débat commence enfin avec l'amendement 168, qui propose une Licence Globale en test. M. Le ministre juge une fois de plus ce concept inacceptable, partant de son dogme que le téléchargement ne peut être assimilé à de la copie privée. M. Mathus tente d'ouvrir les yeux à l'assemblée sur la vitesse du progrès et l'inéluctabilité du P2P. La Licence Globale est pour lui plus réaliste que les plateformes-légales assorties d'une répression absurde.

L'amendement est rejeté (55 votants, 16 pour, 39 contre)

On en vient alors à l'article 2, ou plutôt, à des rappels au règlement. M. Emmanuelli décrit la fin de la séance précédente comme un cirque et prédit que La manière dont notre débat est tenu sera jugée !. M. Herbillon ne tient plus et perturbe lui répond en perturbant la séance. Le Président a bien du mal à le faire taire pour que M. Dutoit prenne la parole.

De brillantes démonstrations

M. Dutoit essaie encore une fois d'expliquer la nécessité de la Licence Globale. M. Mathus le soutient en affirmant que Nous avons bien compris que l'UMP était en service commandé, ainsi que vous-même, pour sauver le soldat Donnedieu. Il continue en expliquant que le Gouvernement va donner à la France la transposition la plus répressive d'Europe de la directive, qui nous placera en matière de développement de l'internet quelque part entre la Chine et la Mongolie. Il rappelle ensuite que la copie est privée, depuis son adoption en 1985 à l'unanimité, est devenue un droit. Sans discontinuer, il demande à l'Assemblée Nationale, si cette loi est vraiment une nécessitée pour sauver l'industrie du disque ? Et chiffres à l'appui, le voila qui étale les somptueux bénéfices des Majors du disque, non sans une allusion à l'affaire du rootkit avec cette société qui n'a pas hésité à verrouiller ses CD avec des DRM, potentiellement destructeurs pour les PC.

La démonstration de M. Paul sur le voyage au bout de nulle part est encore plus flamboyante. Schéma à l'appui, il montre la répartition des 0.99 € d'un morceau de musique d'une plateforme commerciale. Pour lui, l'internet équitable du Ministre est avant tout un internet prédateur

Les débats continuent et M. Bloche fait par de sa perplexité sur l'article 2, qui reflète bien mal le nouvel article 1, alors qu'il est censé être son jumeau sur les droits voisins. M. Dionis du Séjour tente de calme le manichéisme ambiant Le débat ne se réduit pas à l'alternative caricaturale entre licence globale et plateformes payantes, mais commet aussi une maladresse en disant que internet est aussi un espace marchand. En effet, de nombreux internautes ont peur de voir internet devenir uniquement un espace marchand.

M. Vanneste riposte très durement en comparant toute Licence Globale à un iceberg. M. le Ministre continue à noyer le poisson en nous parlant de la convention sur la diversité culturelle adoptée à l'UNESCO. Il proclame les œuvres de l'esprit ne sont pas des marchandises comme les autres. On aimerait bien qu'il mette en pratique ces beaux propos de temps en temps. Il se met en suite à radoter en affirmant que Nous allons enfin passer d'une offre illégale, attractive de ce seul fait même, à une vaste offre légale, diversifiée et assurant une rémunération équitable des créateurs. Comme si aucune offre légale (gratuite ou payante) de musique ou de film n'existait. Il connaît visiblement bien mal internet.

Mme Boutin a pour sa part un discours bien plus terre à terre et réaliste : les réponses que vous proposez sont adaptées aux règles du jeu du XIXe et du XXe siècles, pas à celles de l'internet et du numérique. Vous pensez contrôler internet ? Fadaises ! Je ne veux pas être complice de cette farce.

Les amendements 219 et 221 rectifiés ne sont au final pas adoptés (56 votant, 14 pour et 42 contre). Les bénéficiaires ne seront donc pas des titulaires. Bénéfices, voilà bien la seule préoccupation du gouvernement.

Les défenseurs de la Licence Globale ne s'avouent pas vaincus.

En effet, le l'amendement 220 est un énième avatar de la Licence Globale.

Mme Boutin est la première à le défendre. M. le rapporteur réplique en le critiquant comme archaïque, tentant même de ridiculiser les propos pourtant emplis de sagesse de Mme Boutin que j'ai cité plus haut. Le débat sur l'assimilation du téléchargement à la copie privée revient encore une fois sur la table avec M. Mathus qui fustige l'idée du Ministre selon laquelle les seuls téléchargements licites sont ceux contrôlés par les DRM. M. Dutoit demande si M. le Ministre veut des téléchargements libres ou bien contrôlés par les DRM. Mme Billard quand à elle, explique que cet amendement est une transcription de la directive européenneet de plus, parfaitement applicable. On peut compter les échanges et reconnaître les fakes. Les DRM sont beaucoup trop poussés, dangereux dans les emplois et contrôles abusifs qu'ils rendent possible. M. Paul, enfin, conclut en rapellant que les Systèmes de gestion collectifs existent et marchent, sinon, il faut demander tout de suite à la Sacem et à la Spedidam de fermer leurs portes !

M. le Rapporteur, pour rappliquer se raccroche dans une optique très robotique à la directive européenne, qu'il semble considérer comme une loi divine alors même qu'une nouvelle version de celle-ci est en cours de rédaction pour pallier à son obsolétisme. Il touche le fond en affirmant haut et fort que Il n'y a pas deux types de progrès, le bon et le mauvais. Les DRM constituent un progrès, ne les diabolisez pas. Propos à mon sens plus dignes d'un savant fou que d'un député. En outre il se leurre en disant que (les artistes) veulent-ils que leur œuvres puissent être utilisées librement ? Ils sont libres de refuser !. Comme l'a très bien dit Mme Boutin, personne ne peut contrôler internet, et sûrement pas internet.

Hélas, l'amendement 220 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 103 et 131, assez mineurs sont ensuite rapidement votés et rejetés et M. le Président rappelle que les articles 3, 4 et 5 ont été adoptés en décembre. Il annonce ensuite que la discussion se continuera mardi, mercredi et jeudi prochains. La discussion porte désormais sur les amendements se plaçant après l'article 5.

La taxe sur la copie privée

Elle est désormais au coeur du débat, puisque le gouvernement désire conserver, compléter et consolider cette taxe, alors même que leur position en faveur des DRM limite la possibilité de copie privée. M. Bloche accuse la majorité de déséquilibrer gravement l'équilibre entre DRM et copie privée. Pour eux, il s'agit doit d'être plus souple sur les DRM, et de conserver la taxe telle qu'elle est.

Avec les DRM, les revenus de la taxe baisseraient, et diverses propositions de nouvelles sources sont faites : les plateformes payantes, les téléphones portables, les FAI...

L'amendement 23 rectifié est adopté envers et contre tout, sans proposition de compensation.

On parle alors de l'amendement 185 rectifié, de son sous amendement 323, ainsi que du 184 et du 94 rectifié. Tous vont dans le même sens : étendre la taxe à la copie privée aux téléchargement sur le net,rendant ces derniers légaux de fait.

M. le Rapporteur radote encore, fustigeant ces amendements et glorifiant la chronologie des médias, concept que j'ai déjà décrit comme dépassé. Son accord sur la VOD semble être la solution ultime pour lui, preuve de son manque de vision large.

M. Mathus n'est pas avare de piques cinglantes : Vous auriez donc tout intérêt à parler plutôt de téléchargement commercial avant que l'Assemblée ne se sacrifie bientôt avec discipline au veau d'or que sont les nouvelles plateformes commerciales, Virgin, Fnac et iTunes.

Pour gagner du temps, le président du groupe UDF fait une demande de vérification du quorum avant de procéder au vote sur le sous-amendement 323. Il est en outre minuit et demi, la séance est donc levée. La suite au prochain numéro...