Le problème des ­« petits » artistes

Cette méfiance en la Licence Globale est en fait l'arbre qui cache la forêt : il existe déjà des systèmes de répartition du même type, et leur fonctionnement est tout sauf satisfaisant. Il s'agit par exemple de la taxe sur la copie privée, appliquée sur les CD et DVD vierges, les baladeurs MP3, etc... ainsi que les sommes que la SACEM prélèvent sur les radio. Dés témoignages comme celui de Martin Solveig sur lestelechargements.com mettent le doigt sur ce problème qui n'est pas futur, mais présent. Ces petits artistes, qui font partie de La Longue Traîne ont une peur justifiée de voir leurs maigres revenus diminuer encore et leur fragilité augmenter.

Mais c'est oublier que l'existence d'internet et du monde numérique change tout. Le concept de la Longue Traîne vient à peine d'émerger et ce n'est pas par hasard. Il prouve en lui-même que les petits artistes ont un avenir radieux, pour peu que la société sache prendre la bonne direction. Internet a entrainé des bouleversements technologiques, causant un problème. Mais c'est aussi ce même monde numérique, né de l'informatique et du réseau mondial, qui amènera les solutions à ce problème.

Des modes de répartitions radicalement nouveaux

On ne peut mesurer le monde de demain avec des outils d'hier, et aucun sondage au sens classique du terme ne pourra permettre une répartition juste des artistes, selon leur talent et leur popularité, tout en favorisant la création. Qu'apporte internet comme nouveautés ? Des outils de statistiques, moyens d'expression, de nouvelles relations humaines... Voici donc quelques idées pour répartir les sommes perçues par le biais de la Licence Globale :

Des statistiques d'un nouveau genre

Internet est un objet d'une nature difficile à appréhender. De par sa construction, il est paradoxal car à la fois incontrôlable et parfaitement mesurable. Personne n'est anonyme, ni les utilisateurs, ni les données. Le défunt ed2k history a prouvé qu'on pouvait savoir exactement le succès d'une oeuvre sur le P2P. Il est donc possible, avec un peu de bonne volonté, de créer des outils de statistiques d'une fiabilité correcte[1] permettant de savoir quels artistes ont quels succès sur le P2P, pays par pays. Les artistes de la Longue Traîne seront donc mieux représentés.

Une démarche volontaire de l'internaute

Ceux qui téléchargent le plus sont souvent des passionnés. Ils aiment des artistes souvent peu connus du grand public, qu'ils ont découverts sur le net. Il y a donc de forte chances pour qu'ils soient motivés pour faire valoir le droit à une reconnaissance légitime de ces artistes. Par exemple en remplissant un questionnaire chaque mois, où ils indiqueraient quels artistes ils veulent voir toucher une rétribution, en fonction de leurs téléchargements et de leurs écoute. Ici c'est une tout nouvelle forme de relation public/artiste que j'ai en tête : le mécénat de masse. Une démarche active de chaque amateur de culture et d'art pour choisir qui doit être récompensé. Les artistes de la Longue Traîne seront sans doute aussi les bénéficiaires d'un tel système, car leurs fans sont souvent les plus actifs.

Utiliser les réseaux sociaux

Internet, en abolissant les distances et la difficulté de se rencontrer, a permis à des millions de groupes partageant les mêmes goûts, les mêmes passions ou les même intérêts, de se trouver, de naître et de prospérer. De nouvelles communications en sont nés. C'est ce principe même qui est à la base de la Longue Traîne : les marchés de niche, les ­­­« petits artistes » sont plus visibles grâce aux nouveaux liens que les réseaux sociaux numériques ont tissé. Pourquoi ne pas utiliser cette multitude de réseaux sociaux pour évaluer la répartition de la licence globale ? Techniquement, ce sera le système le moins évident à mettre en place, de par la multitude, le manque de classement et la décentralisation de ces réseaux. Mais ils en sont encore à leurs balbutiements et nul doute que de nouvelles applications émergeront à moyen terme.

Conclusion

Dire que la Licence Globale est impossible à répartir ou qu'elle privilégie les ­­« gros artistes » est un non-sens. De par sa nature, lié au réseaux numériques et au P2P, elle est au contraire une formidable chance pour tous ceux que le système actuel pénalise. Les seuls qui ont à en craindre sont ceux qui aujourd'hui gagnent le plus : Les Majors, qui depuis longtemps ont adopté un modèle économique où seule une minorité d'artistes rapportent des bénéfices, et les grosse pointures, qui gagnent aujourd'hui des sommes folles, presque indécentes pour ceux qui gagnent un SMIC. Eux devront changer leur façon d'appréhender leur métier, pour suivre les évolutions de la sociéte.

La Licence Globale est donc pour moi une solution prometteuse, à condition qu'on l'applique avec les moyens de demain et non ceux d'hier. Ce qui ne veut pas dire que ce sera la seule source de revenu pour les créateurs. Les concerts et les objets matériels (disques, goodies, etc...) auront toujours leur public et seront toujours une source potentielle de revenu pour les auteurs. Mais ce ne seront plus les seuls.

Notes

[1] Il ne seront sans doute pas parfaits, mais sûrement plus justes qu'un sondage, car ils étudient une population entière, et non un échantillon.