Tout de suite, deux termes ressortent : pornographie, et homosexuel, et très vite, les hypothèses les plus diverses apparaissent. Mais heureusement, de nombreux bloggeurs étaient des lecteurs assidus du « Blog à Garfieldd », et deux discours se retrouvent rapidement en nette opposition sur le net :

  • Celui de l'Éducation Nationale : Le blog contient des textes et des images à caractère pornographique, il mêle vie privée et vie publique, et enfin, son anonymat est très insuffisant.
  • Celui des bloggeurs et des internautes : Le blog n'a rien de pornographique, les textes montrent qu'il est compétent, passionné et soucieux de sa mission éducative envers les jeunes. En outre, à aucun moment il ne dévoile ouvertement son identité, même si des indices ici et là permettent de la découvrir.

Pornographie ?

Concernant la pornographie, je suis bien placé (en tant que lecteur régulier du-dit blog), pour juger qu'elle était totalement absente. Des photos de plage ou de sous-vêtements ne sont plus chose choquante depuis longtemps, fort heureusement. Mais je ne suis pas aveugle, et je sais très bien que certains rétrogrades de province ou d'ailleurs puissent être choqués par ce genre de photos, hélas. En particulier postées par un homosexuel : nul doute que le même genre de photos, mais avec des corps féminins, n'auraient jamais soulevé de polémique. Dans une société soucieuse de liberté et de progrès comme la France, cette minorité s'accrochant à d'anciennes valeurs ne doit pas dicter à la majorité sa définition particulièrement large de la pornographie.

Son billet sur les requêtes google à la con a également alimenté la polémique, puisque reprise très maladroitement par Libération, changeant totalement le sens des propos de Garfieldd. Son regard amusé sur les visiteurs arrivant sur son blog en tapant des mots-clés plus qu'osés dans un moteur de recherche, et probablement déçus par le contenu sage de celui-ci, est ainsi passé pour les propres fantasmes du bloggeur. Du grand n'importe quoi, sur lequel le journal est revenu dessus en corrigeant l'article presque à la sauvette.

Anonymat ?

Ici, on peut dire que le problème est déjà plus complexe. S'il est vrai que Garfieldd a toujours essayé de rester anonyme, il faut bien admettre que n'importe quel internaute assez malin pouvait mener sa petite enquête et vite découvrir la véritable identité du proviseur. WhoIs et Google ne sont pas fait pour les chiens. En fait, il faut admettre que rester anonyme tout en bloggant de façon régulière voire assidue est mission quasi-impossible. Reste à déterminer, est-ce un crime de ne pas rester anonyme ?

Devoir de réserve ?

Et là, on arrive au problème le plus complexe de cet affaire. L'émergence d'internet, et en particulier des blogs, a un impact non négligeable sur notre société. En particulier, le mélange de la vie privé et de la vie publique. Précisément ce qu'on reproche à Garfieldd : d'avoir mélanger des considérations sur son métier (réflexions sur ses doutes, sur les membres de l'équipe de son lycée, sur ses supérieurs, sur Éducation Nationale, etc...) avec des réflexions sur sa vie sentimentale ou des anecdotes lui étant arrivés ici et là.

Pour les uns, c'est une faute professionnelle grave, justifiant sa révocation (donc à priori sous-entendant que de telles actions mettent en danger les élèves de son lycée). Pour les autres, c'est la preuve de sa compétence et de sa passion pour son métier, les raisons pour lesquels on devrait le considérer comme un précieux membre de l'Éducation Nationale, un pédagogue comme il n'en existe pas assez. Il y a donc bel et bien un problème, et je pense que les cas de ce type ne peuvent que se multiplier dans un proche avenir. De plus en plus de personnes ayant un métier les ligotant avec un sacro-saint devoir de réserve vont utiliser ce nouveau mode de consommation pour le transgresser allégrement. Mais tout dépend ce qu'on entend par devoir de réserve.

Le devoir de réserve est certes indispensable pour que quiconque à un poste entraînant quelque forme d'autorité, en particulier un fonctionnaire, n'en abuse pas. Par exemple en affichant clairement un soutien politique. Mais ce n'est pas du tout le cas de Garfieldd. Il est sorti de son devoir de réserve uniquement par souci de bien faire son métier. Ce n'est pas pour autre chose qu'il a parlé de sa hiérarchie ou de son "gentil intendant". Bien sur ça ne plaît pas à certains. Bien sur toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, mais la liberté d'expression reste une valeur fondamentale de notre société et on ne peut la sacrifier ainsi. Je trouve fondamentalement anormales que le devoir de réserve puisse venir s'opposer à la bonne réalisation d'un métier.

Pour comprendre ce nouveau problème, il faut aussi bien voir que les blogs appartiennent fondamentalement à un nouveau domaine, à mi-chemin entre vie publique et vie privée. On ne peut en aucun cas leur appliquer, sans aucune adaptation, les règles régissant un de ces deux univers. Il faut donc imaginer et définir de nouvelles règles pour garantir les droits et les devoirs des personnes, des organisations et de la société, ainsi que la sauvegarde de la liberté d'expression, sous toute ses formes. Un formidable défi qui s'annonce donc...

Conclusion

Garfieldd a certes commis des erreurs en écrivant son blog, mais en aucun cas on ne pourrait les qualifier de crime ou d'erreurs impardonnable. La révocation est donc incontestablement une sanction totalement disproportionnée. Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale, l'a lui-même reconnu et à promis de changer la sanction, pour une autre, plus proportionnées aux erreurs (je dirais maladresses) de ce proviseur. On peut donc espérer que Garfieldd puisse bientôt exercer ses précieux talents au sein de l'Éducation Nationale. Mais à quand la prochaine affaire de ce type ? Le fond du problème est en effet encore loin d'êter réglé. L'homophobie et le puritanisme sont hélas bien vivant, et la liberté d'expression toujours menacée.

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